Carmen : un ballet qui balaie tout sur son passage

Reportage : Perrine Pringalle et Christine Jonemann/Photos Alice Blangero

Avec le ballet Carmen de Johan Inger, présenté dernièrement dans le cadre des ballets de Monte-Carlo, au Grimaldi Forum Monaco, les voix se font danse et la danse se fait mots, dans une chorégraphie bouleversante de vérité. Une vérité universelle, intemporelle et déchirante, car Carmen est universelle, intemporelle et déchirante.

Un thème très actuel

Si Carmen reste la femme sulfureuse, aguichante et terriblement sensuelle qui par sa seule présence efface toutes les autres femmes et séduit jusqu’à la mort les hommes qui tombent dans ses filets, elle est aussi et surtout celle qui révèle l’homme dans ses faiblesses et sa bêtise, sa brutalité et sa jalousie, sa violence enfin qui entraîne la mort de l’héroïne.

Cette héroïne, Carmen, est le symbole de la femme de tous les pays, de tous les temps et surtout d’aujourd’hui où les féminicides font encore long feu.

Un ballet d’une grande créativité

Un ballet qui balaie les idées reçus ( oui, Carmen peut être aussi un ballet et pas seulement un opéra), les préjugés ( oui, la musique de Bizet peut se marier avec de la musique contemporaine), les codes (oui, on peut intégrer un observateur dans un ballet et remplacer la Micaëla de l’opéra par une enfant innocente; oui, on peut instaurer des arrêts sur image dans un ballet (somptueux); oui, on peut intégrer des figures de hip hop dans la danse moderne; oui, on peut décider que la scène se passera non pas à Séville mais dans une usine d’une sombre banlieue ) et on pourrait multiplier à l’infini tous ces détails qui font de ce ballet une oeuvre très originale, audacieuse, où le mélange des genres apporte une richesse, une profondeur et enfin une nouveauté inattendue à cet opéra si célèbre et tant de fois joué et re-joué. Opéra joué cette fois sans les voix mais qui ne perd en rien sa force grâce à une mise en scène au cordeau et au talent des danseurs, tous impressionnants.

Un ballet humaniste

L’omniprésence de l’enfant qui observe le jeu des adultes peut surprendre et n’est certes pas anodine. Vêtue d’un short et d’un maillot blanc dans la première partie du spectacle, elle incarne l’innocence et l’insouciance, insouciance qui sera mise à mal et soulignera la montée de l’intensité dramatique. Ici Johan Inger introduit une touche tout à fait personnelle et humaniste en se posant la question du pourquoi tant de violence domestique ? l’enfant est-elle témoin de scènes violentes qui la marqueront pour toujours et reproduira-t-elle alors le même schéma ? comment briser ce cercle vicieux ?

Et cette implication personnelle nous touche profondément dans deux passages notamment : le songe familial et merveilleux de José, l’amoureux éconduit de Carmen, où l’émotion est à son comble, puis le désespoir de la petite fille, désormais vêtue de noir, qui assiste au meurtre de Carmen par José, et perd à jamais son âme d’enfant.

Ces détails qui font tout

Dans ce ballet, le côté traditionnel sévillan est laissé de côté au profit du message de Johan Inger contre la violence de la société et notamment de celle faite aux femmes.

Les décors minimalistes, ou comment multiplier les possibilités avec un simple parallélépipède rectangle qui se fait porte, miroir… ah ce jeu de miroir quelle trouvaille ! Soutenus par un éclairage maîtrisé à la perfection, les décors n’ont pas besoin de plus pour être efficaces. On est bluffé par l’illusion de barreaux de prison…

Les costumes plutôt sombres et sobres hormis la robe rouge de Carmen. Le short blanc de l’enfant (l’observateur) qui devient noir en deuxième partie du spectacle. La mort représentée par des danseurs tout en noir, visage compris. Le jeu de contrastes du noir, du blanc et du rouge participe au drame qui se joue.

La musique : la musique contemporaine, syncopée et dissonante soutenue par l’introduction d’une importante section de percussions souvent angoissantes du compositeur Marc Alvarez et l’orchestration joyeuse de l’opéra de Georges Bizet, forment un tout qui étonne par la facilité avec laquelle le public est consentant et comprend la démarche du créateur.

L’orchestre philharmonique de Monte-Carlo, installé dans la fosse et dirigé de main de maître par Manuel Coves ne ménage pas sa peine et lorsqu’il entame l’Habanera, le public a du mal a ne pas l’accompagner en tapant des mains.

Une chorégraphie qui raconte une histoire

Tout comme la musique de Bizet est contrebalancée par celle de Marc Alvarez, Johan Inger a apporté au rythme classique d’un ballet moderne une danse des rues très contemporaine et expressive nous immergeant dans notre société actuelle, sans pour autant dénaturer l’histoire de Mérimée.

Afin de renforcer la violence masculine que le chorégraphe a ressenti en lisant le roman, les danseurs avancent de façon saccadée au rythme des percussions, en position de seconde pliée qui les ancrent dans le sol, tandis que les femmes évoluent de façon fière et lascive qui rappelle le flamenco et nous ramène à l’origine de l’opéra.

Pour rappeler le côté dramatique de l’histoire, la mort qui agit d’abord en solitaire autour de José va crescendo tout au long du ballet. Dans le songe de José où se mêlent espoir familial et désespoir, où ses idées tournent en boucle, le chorégraphe propose une mort qui s’avance en roulant telle une larve visqueuse et nauséabonde rendue de façon incroyablement réaliste par des danseurs tout de noir vêtus recroquevillés sur eux-mêmes et qui tournent le long de la scène de façon répugnante, marquant ainsi la confusion de José.

Enfin Carmen est assassinée par José. Le drame qui se joue était annoncé par des percussions et la danse macabre du corps de ballet. La mort est victorieuse.

Mais c’est aussi et surtout la victoire d’un grand chorégraphe et d’un grand compositeur, et celle du corps de ballet et de l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo.

PRATIQUE

Grimaldi Forum Monaco

https://www.grimaldiforum.com/fr/agenda-manifestations-monaco

HORAIRES D’OUVERTURE DU GRIMALDI FORUM MONACO :

La Billetterie est ouverte au public du mardi au samedi de 12h à 19h et accessible par l’entrée principale située sur l’esplanade du Grimaldi Forum au 10 avenue Princesse Grace. 

Tel : +377 99 99 3000

E-mail : ticket@grimaldiforum.com

Réservations possibles par téléphone du mardi au samedi de 12h à 19h au +377 99 99 3000 ou à l’adresse : montecarloticket.mc

Où dormir

Le Meridien Beach Plazza


Adresse
 : 22 Av. Princesse Grace, 98000 MonacoTéléphone : +377 93 30 98 80

Cet hôtel 4 étoiles est à deux pas du Grimaldi Forum.

Le personnel est très agréable et accueillant.

Chambres avec superbe vue. Une grande piscine intérieure. Lits confortables. Petit déjeuner copieux.

Ne pas hésiter à réserver !

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Christine Jonemann

Directrice de Rédaction de prestiges.international. Elle aime la lecture, l'écriture, les voyages, le partage et les rires entre amis, sa famille et son chat. A publié des livres pour enfants. Est membre de la Société des Gens de Lettres. Secrétaire générale de l'AFJET Association Française des Journalistes et Ecrivains du Tourisme

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