« Mémoires d’Exil » dans les Pyrénées-Orientales
Frontalier avec l’Espagne, le département des Pyrénées-Orientales a vécu des épisodes d’accueil, souvent forcé, de populations meurtries, mais aussi d’aide à leur survie. Notamment ceux liés à la guerre d’Espagne. La Mémoire de ces douloureux événements rentre enfin dans l’espace public. C’est une mémoire en train de grandir. Il fallait que le temps passe pour ne pas raviver des exils entachés de souffrance, ne pas blesser davantage vivants et survivants.
Petit à petit la parole des exilés et des accueillants se libère.
Préserver cette Mémoire d’Exils pour les générations futures est important. Le département des Pyrénées Orientales peut s’honorer d’avoir une vraie dynamique culturelle et mémorielle à cet égard.
Le Chemin de Mémoire proposé
Il traverse différents lieux du Département des Pyrénées-Orientales. Argeles- sur-Mer, Collioure, Rivesaltes. Une percée en Espagne, dans le village de La Jonquera proche de la frontière française. Etapes toutes incontournables.
Bref rappel historique de la « Retirada »
La « Retirada », c’est l’exode lié à la guerre d’Espagne de 1936-1939. Ce conflit, prélude à la 2ème guerre mondiale, a laissé des traumatismes lourds dans les populations.
En 1936 le Front Populaire gagne les élections espagnoles. Mais une coalition révolutionnaire armée se soulève contre la jeune République.
Lorsque la guerre d’Espagne s’internationalise avec le soutien d’Hitler et de Mussolini, la dictature franquiste prend de la vigueur. Elle durera 40 ans jusqu’à la mort du Caudillo en 1975
Le département des Pyrénées Orientales voit arriver des milliers de réfugiés. Des camps d’hébergement sont érigés à la hâte sur le littoral. Le 1er sera celui d’Argelès, suivi par Saint-Cyprien et Le Barcarès. Camps gardés par des gardes mobiles à cheval, tirailleurs sénégalais, spahis.
500 000 exilés alors que le Département ne compte que 240 000 habitants ! Cela ne pouvait se faire sans difficultés.
La transition vers la démocratie s’organise à la fin du conflit et les 2/3 des espagnols exilés rentrent au pays.
Mémorial du Camp d’Argelès- sur- Mer
Argelès-sur-Mer, première plage du littoral à accueillir des milliers de réfugiés espagnols. Les argelésiens n’oublient pas la douloureuse « Retirada ».
Les anciens communs du Château de Valmy, œuvre de l’architecte danois devenu Catalan, Petersen, ont été rachetés par la mairie. Il accueille le Mémorial du Camp d’Argelès.
L’internement au quotidien est proposé au visiteur. Vestiges des camps, photographies sur l’exode. Vie dans ces espaces entourés de barbelés.
Un monolithe campé sur la plage, symbolise les baraquements dressés à perte de vue.
Le « Cimetière espagnol » a inscrit les noms des morts de l’exil. Réfugiés espagnols, juifs et brigadistes internationaux. Modeste pierre tombale.
La Maternité d’Elne, une enclave de paix aux portes des camps
Elisabeth Eidenbenz, fille d’un pasteur protestant, de nationalité suisse, a créé et fait fonctionner une m
aternité de 1939 à 1944. Fermée par les allemands en 1944, elle a vu naitre plus de 500 enfants. Généreuse attitude louée par toutes ces femmes exilées et futures mères.
Le Château d’Elne dessiné par l’architecte danois Petersen, construit pour la fille d’un industriel perpignanais, fabricant de papier à cigarettes, a servi d’abri.
Racheté par mairie, le Château est aujourd’hui un lieu d’expositions temporaires sur le thème des femmes et enfants en exil.
Le Museu Memorial de l’Exili (MUME)
La Jonquera, petit village frontalier avec la France, Province de Gérone, est le lieu de passage obligatoire de l’exil. Dans son Musée flambant neuf, la dimension universelle de l’exil est richement traitée. Construit en cœur de ville sur un espace réduit, il représente une prouesse technique de la part de l’architecte catalan.
La Diaspora républicaine espagnole dispersée dans le monde, les pays d’accueil des exilés, sont expliqués. Donations d’objets personnels des descendants d’exilés. Films, objets, photographies. La guerre d’Espagne a été très photographiée par de grands talents : Robert Capa, Pere Catala… Photos emblématiques montrées.
Réflexion sur les exils provoqués par les génocides et affrontements fratricides.
Le Château Royal de Collioure
Le château fort médiéval, campé en cœur de ville, impressionne. Egalement ses magnifiques casernes du 17ème siècle en voie de restauration.
Cachots en sous-sol humides et sombres. Ils ont servi de prison pour les gradés, les officiers, les fortes têtes. Ils se visitent.
En exil à Collioure, épuisé et malade, le poète espagnol Antonio Machado tant admiré, repose au
cimetière de la ville. Sa tombe représente toujours un symbole pour les intellectuels au même titre que celle du musicien Pau Casals. Une exposition honore le poète dans une salle du Château.
Le Mémorial du Camp de Rivesaltes. Une architecture réussie
Rivesaltes. Son histoire est unique. Un lieu de mémoire inoubliable. Internés, exilés, prisonniers y ont séjourné quelques jours, mois, parfois plusieurs années.
Conçu à l’origine comme camp militaire, le « Camp militaire Joffre de Rivesaltes », fut « Centre d’Hébergement » pour les Républicains espagnols, les Juifs étrangers, les Israélites avant la déportation à Auschwitz, les Tsiganes. Tous « indésirables ». Plus tard, après la guerre d’Algérie en 1962-1964 les Harkis et leurs familles.
Il fut aussi camp d’internement des prisonniers de guerre allemands entre 1944 et 1948.
Il a reçu des milliers de personnes de différentes nationalités et cultures. Cette mémoire est aujourd’hui honorée par un très beau Mémorial.
Inauguré le 16 octobre 2016, le bâtiment possède une force exceptionnelle. Les architectes, Rudy Ricciotti, associé au Cabinet Passelac & Roques de Narbonne, ont fait surgir de la terre cette surface sobre, en béton ocre, partiellement enfouie.
Il fallait ensuite rendre le lieu vivant, décloisonner les points de vue, utiliser cette matière mémorielle et en faire un lieu de réflexion sur le thème de l’exil.
Dirigé par un Conseil Scientifique, c’est un lieu d’échanges. Colloques, spectacles, « Nuit du Mémorial » conviant une personnalité du monde politique ou des arts.
Salle d’expositions permanentes, d’expositions temporaires, un centre de documentation, un auditorium, mais aussi une résidence d’artistes.
L’avenir de ce Mémorial s’écrit en ce moment.
Geneviève Guihard
Carnet de Voyages
Agence de Développement Touristique des Pyrénées-Orientales
www.tourisme-pyreneesorientales.com
Tel : 04 68 51 52 53
Le Mémorial du Camp de Rivesaltes
Tel : 04 68 08 39 70
Le MUME à La Jonquera
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