GIACOMETTI / BECKETT. Rater encore. Rater mieux
Photo de présentation : Samuel Beckett and Alberto Giacometti in the studio called the telephone both, 1961/Photo : Georges Pierre/Fondation Giacometti© Succession Alberto Giacometti (Fondation Giacometti +ADAGP) 2020
Une nouvelle exposition « devrait se tenir » à l’Institut Giacometti 5 rue Victor Schoelcher Paris 14, jusqu’au 28 février 2021. Pour le moment, l’Institut est fermé en attente des décisions gouvernementales.
L’exposition surprend, étonne. Elle interroge la relation dans leur art, dans leur cheminement, entre deux grands artistes iconoclastes : Giacometti sculpteur, Beckett écrivain.
Le titre de l’exposition, traduit en anglais, semblerait plus significatif et davantage inspirant :
« Giacometti/ Beckett. Fail Again. Fail Better »
Les deux artistes s’estiment
Deux artistes dont on ignore la plupart du temps les liens d’amitié qui les unit. Amitié profonde, peu connue, qui a laissé peu de traces dans leur vie d’exil à Paris.
Giacometti est de nationalité Suisse. Beckett est irlandais né à
Dublin. Prix Nobel de Littérature en 1969. Chaque été, un festival littéraire lui est dédié depuis près de vingt ans, à Roussillon dans le Vaucluse.
Ils sont tous les deux filiformes, grands, plutôt belles gueules, visages burinés. Deux ascètes visuels, deux grands taiseux.
Ils se retrouvent toujours par hasard, tard dans la nuit, dans les cafés à la mode de Montparnasse : le Dôme, le Select, Closerie des Lilas.
L’exposition à l’Institut Giacometti, dévoile par de nombreux exemples les thématiques qui les rassemblent, les unit, au tournant des années 1940/1960.
Leurs imaginaires les rassemblent
Les thèmes comme la précarité de l’existence, la solitude humaine, l‘incommunicabilité entre les êtres sont traités sans parcimonie par les deux artistes
« Les 3 Hommes qui marchent » de Giacometti anticipent la pièce « Quad » de Beckett qui exprime si bien l’incommunicabilité
La scénographie les réunit dans un véritable duo artistique dans une seule des nombreuses pièces de Beckett : « En attendant Godot », jouée maintes fois au théâtre de l’Odéon dans les années 60.
le texte de Beckett, minimaliste, langage dépouillé réduit à l’extrême pousse aux limites du silence. Il a tellement décharné le langage
Beckett fait appel à Giacometti pour réaliser le fameux arbre dépouillé lui aussi, minimaliste, ébarbé à l’extrême. Véritable métaphore de la solitude humaine. Seule collaboration artistique aboutie entre Giacometti et Beckett. L’érosion du matériau chez Giacometti correspond à l’aridité minérale chez Beckett.
La recherche du dépouillement. Dire plus, c’est beaucoup enlever. Beckett part de 300 pages et en publie 40. Il reste dans le texte l’âme de la structure.
La peinture ? C’est du noir et du blanc. Point final. Celle de Pietr Mondrian est pléthorique. Celle de Pierre Tal Coat est une orgie !
Autre thématique commune abordée : la notion d’empêchement.
Les deux artistes donnent une forme visuelle à l’empêchement que l’on découvre dans l’exposition.
L’empêchement du corps pris dans la matière jusqu’au cou, la contrainte donnée au corps dans « Oh les Beaux Jours », « La Cage ». Les regards des personnages ne se croisent pas. Ils disent la solitude et l’épuisement de l’être.
Rater, échouer ? Faire et refaire pour ces deux éternels insatisfaits, jusqu’à l’obsession.
Aucun mouvement de pensée de cette époque n’exprime leur façon de voir. Ni l’existentialisme de Sartre, ni la phénoménologie de Merleau-Ponty.
PRATIQUE
Institut Giacometti
5 rue Victor Schoelcher Paris 14
Giacometti/Beckett Rater encore. Rater mieux
Jusqu’au 28 mars 2021
institut@fondation-giacometti.fr