La France, le pays où les trésors se ramassent à la pelle….
C’est en Haute-Savoie, sur le plateau d’Assy, que nous attend une discrète merveille. Notre-Dame-de-Toute-Grâce, église catholique, est pourtant considérée comme l’un des édifices majeurs de l’art sacré moderne. Elle se dresse au-dessus de Chamonix et fait face au Mont Blanc.
Derrière ses portes qu’il nous suffit de pousser, palpite en son chœur de granit vert un véritable trésor.
Des artistes parmi les plus célèbres du début du XXème siècle, tel Bonnard, Braque, Chagall, Matisse, Lurçat et bien d’autres encore, ont répondu à l’appel du chanoine Devémy à qui revient l’idée du projet.

de Jean Lurçat
Aumônier d’un des nombreux sanatoriums de la région dans les années 1930, le chanoine Devémy souhaitait en effet bâtir « l’église de malades ».
Les artistes, bien au-delà de leurs convictions religieuses ou politiques, se sont retrouvés en une confraternelle et fervente communion pour réaliser ensemble un lieu de recueillement et de prière exceptionnel.
Car, si les religions ont, hélas, toujours été l’objet de croisades, de génocides ou de guerres, l’art a toujours été vecteur de spiritualité, quête de sens, nourrissant et abreuvant l’âme même la plus profane.
L’art, un lien direct avec le divin : L’intention de l’image est, depuis l’homme des cavernes, de décrire, de
raconter, d’enseigner à ceux qui la regardent, leur facilitant ainsi une approche de dimension spirituelle des lieux sacrés.
Et le sacré se matérialise à travers la contemplation de la beauté.

Quand les artistes s’emparent de lieux sacrés : Tels Matisse et la chapelle de Vence, Picasso et l’église Sainte-Anne à Vallauris, ou la chapelle Notre-Dame-de-Jérusalem à Fréjus, la Chapelle Des Pêcheurs à
Villefranche-sur-Mer et celle de Saint-Blaise des Simples à Milly-La-Forêt, toutes trois décorées par Cocteau, telle encore l’église de Conques avec les vitraux de Pierre Soulages, la spectaculaire Notre Dame-de-Toute-Grâce du plateau d’Assy a eu recours aux talents d’artistes majeurs du XXème siècle
(1937/1946). Car « rien ne naît, ni ne renaît, que de la vie. Même la tradition…Tout artiste vrai est un visionnaire inspiré. Déjà par nature, par tempérament, il est préparé, prédisposé aux intuitions spirituelles » écrit l’artiste dominicain Marie-Alain Couturier.
Notre-Dame-de-Toute-Grâce, devenue un véritable trésor d’art sacré, est tapie au centre de Passy, village de Haute -Savoie, qui veille et monte jalousement la garde autour de son église-musée.



A l’époque, porté par sa foi, le chanoine Jean Devermy est prêt à retourner les montagnes environnantes et même bien au-delà, pour voir aboutir son projet.
Il veut pour cela s’entourer des artistes les plus renommés.
Il sollicitera alors l’aide de son ami, le père dominicain Marie-Alain Couturier, lui-même artiste et théoricien d’art, qui défend l’idée simple « que pour garder vivant l’art chrétien il faut, à chaque génération, faire appel aux maîtres de l’art vivant », et choisit les artistes « parce qu’ils étaient les plus vivants, parce qu’en eux abondait la vie et ses dons… ».
- Edifiée entre 1937 et 1946, à partir des plans d’un jeune architecte du pays, Maurice Novarina, l’église doit sa notoriété internationale aux nombreux artistes qui ont participé à sa décoration. —
- Revêtue d’une spectaculaire façade de mosaïque, « Litanies de la Vierge », couvrant une surface de 152m2 et réalisée par Fernand Leger, Notre-Dame-de-toute-Grâce s’impose d’emblée au premier regard.

- A l’intérieur d’éclatants vitraux, aux couleurs saturées, tamisent la lumière du monde extérieur en une lumière douce et pénétrante.
Ces vitraux sont signés George Rouault, Jean Bazaine, Marie-Alain Couturier (père dominicain), Paul Berçot, Paul Bony, Adeline Hebert-Stevens et Maurice Brianchon.


- Le chœur est drapé d’une monumentale tapisserie de laine de Jean Lurçat et, en son centre, se dresse un Christ en croix, ouvrant ses bras de miséricorde à celui qui s’avance vers lui. Etonnamment, ce Christ n’est pas un Christ de douleur, mais celui qui, au contraire, accueille à bras ouverts la douleur des hommes, car, à bien y regarder, il n’y a justement pas de calvaire! Le Christ est comme en lévitation. – — Cette œuvre puissante, en bronze, est signée Germaine Richier. Considérée
comme iconoclaste par l’évêque d’Annecy, lors de la consécration de l’église, la sculpture fit vingt ans de purgatoire, au fond d’un placard de la sacristie avant que le sacrilège ne fût réparé.
A combien de temps de purgatoire sera condamné, à son tour, l’évêque pour ce péché d’orgueil ?
L’histoire ne le dit pas.
Cela fait partie des divins mystères …

- L’autel latéral gauche (au Nord) est celui du Saint-Sacrement, il est surmonté d’une importante céramique d’Henri Matisse. La porte du tabernacle, en bronze sculpté, est l’œuvre quant à elle de George Braque. De l’autre côté, l’autel latéral Sud est surmonté d’une toile de Pierre Bonnard.
L’artiste a réalisé ce tableau en souvenir de son neveu le Dr Jean Terrasse qui participa à la création de la station sanatoriale, mort et enterré dans le petit cimetière du village. Cette toile intitulée « Saint François de Salle » recèle un détail émouvant : Pierre Bonnard donne les traits de son cher ami Vuiilard, décédé peu avant, au visage du saint.

- Une imposante Notre-Dame-de-Liesse, en bronze également, est postée à l’entrée du baptistère, elle est signée Jacob Liptchiz. L’artiste a fait suivre sa signature de ces quelques mots d’une résonnance à jamais troublante : « Jacob Lipchitz, juif fidèle à la foi de ses ancêtres, a fait cette Vierge pour la bonne entente des hommes sur la terre afin que l’Esprit règne ». —

- Et enfin, les fonds baptismaux sont l’œuvre de Marc Chagall (une céramique, deux vitraux monochromes et deux bas-reliefs.) De nombreux autres artistes, moins connus du grand public, ont également participé à la réalisation de cette formidable épopée.
L’entrée de l’église est libre mais l’office de tourisme propose des visites guidées avec les Guides de Savoie Mont Blanc.
De plus durant l’été, des guides de l’association CASA (Communautés d’Accueil dans les Sites Artistiques) sont sur place et font visiter bénévolement l’église.
Pratique
Notre Dame-De-Toute-Grâce Place de l’Eglise
74190 Passy
04 50 58 80 52
Office de tourisme de Passy-Centrale
tel : 04 50 58 80 52
mail : info@passy-mont-blanc.com