Soulages, maître de la lumière intérieure
Pierre Soulages, né en 1919, grandit avec bonheur à Rodez qui restera, toute sa vie durant, chère à son cœur ! C’est sans aucun doute pour cette raison que, plus tard, il fera donation à sa ville natale de plus de 250 œuvres. Celles-ci trouveront place au musée Pierre Soulages qui a ouvert ses portes voilà tout juste 10 ans, en 2014, et compte aujourd’hui près de 500 œuvres et documents. Cet ensemble exceptionnel permet aux visiteurs de suivre l’évolution et le cheminement de l’artiste dont la carrière débute en 1946.
Ce maître de la lumière intérieure qui irradie ses toiles d’une aura subtile, utilise le jeu des contrastes, des pleins et des vides, pour capturer ce rayonnement indéfinissable et dont la source nous semble inconnue.

L’Outrenoir de Pierre Soulages
Il sera l’inventeur, en 1979, de l’outre-noir pour saisir mieux encore cette lumière.
Si, en termes de physique, le noir est obtenu par le mélange pigmentaire de toutes les couleurs du spectre (l’arc en ciel), la lumière naturelle du jour est obtenue par le même mélange de couleurs, mais cette fois sous forme de faisceaux lumineux superposés ! Cette lumière blanche est utilisée couramment au théâtre ou sur les plateaux de cinéma.
Le célèbre chimiste Michel-Eugène Chevreul (1786/1880) travailla sur la perception des couleurs et des contrastes.
Ses recherches influencèrent fortement les artistes dans leur travail dès le début du XXe siècle, quand la peinture se libère de la représentation de la nature, comme avec Klee, Kandinsky, Itten et surtout Sonia Delaunay, jusqu’à Pierre Soulages lui-même !
Pourtant le noir reste une notion compliquée à définir au cours de l’histoire. Elle s’avère très différente selon les époques, les cultures, les modes et les artistes !
Mais rien n’est jamais tout à fait blanc ou tout à fait noir en peinture, un art qui fait dans la nuance !

Pour le grand Léonard de Vinci, le noir était considéré comme une « non-couleur », alors que le Tintoret déclarait : « la plus belle des couleurs, c’est le noir », l’impressionniste Auguste Renoir considérait, lui, cette teinte comme « la reine des couleurs ».
Pour Matisse le noir intense est un « noir de lumière » qui, tel un projecteur, éclaire le tableau !
En soulignant de façon magistrale l’éclat des autres couleurs par l’usage du noir, Matisse pousse encore un peu plus la théorie des contrastes !
Mais revenons à Soulages pour qui le noir « c’est la couleur d’origine », originelle, celle du chaos d’où naquit le monde. C’est de cette obscurité d’avant la Genèse, que va surgir la lumière, la vie, le commencement.
C’est de ce noir intersidéral de la nuit des temps qu’a jaillit la lumière triomphante et divine.
C’est de ce noir d’outre-tombe qu’a jailli la lumière rédemptrice que nous décrivent les écrits bibliques !
Du noir, jaillit la couleur !
Et c’est dans cet affrontement de l’obscurité et de la lumière que Pierre Soulages va trouver les matériaux pour s’exprimer, réduire le contraste à sa plus simple expression, et du noir enfin, faire jaillir la lumière ! Un peu comme quand, enfant, il avait « dessiné la neige » sur une feuille blanche en peignant un arbre noir !
C’est avec son fameux outre-noir que Pierre Soulages, agnostique mais profondément mystique, obtient que cette lumière rayonne sur ses monochromes, se révélant par des reflets fugaces, mouvants, glissant à la surface du tableau.
L’artiste se refuse à tout lyrisme. Ses toiles n’ont même aucun titre, elles sont tout simplement définies par leurs dimensions, longueur par largeur, suivies de la date de leur réalisation !
Pierre Soulages aime à dire qu’il « ne dépeint pas, il peint ».
Il considère ses œuvres comme des expériences, des rencontres, des échanges avec l’observateur…

Pour le maître de l’outre-noir, ses monochromes ont un pouvoir exceptionnel, unique, celui de piéger le temps, car il y a dans l’instant de l’observation, le présent et simultanément, le passé puis le futur, grâce aux mouvements de déplacement de l’observateur. Tant et si bien que, en raison de leur nature dynamique, la photographie s’avère impuissante à saisir ces œuvres sans les figer dans une immobilité fatale.
La capture statique de la reproduction photographique ne peut reproduire l’œuvre dans sa réalité, dans son perpétuel changement.
Pierre Soulages, infatigable colosse de presque deux mètres, d’une énergie créatrice inaltérable jusqu’à la fin de sa vie, décède à Nîmes le 25 octobre 2022, à bientôt 103 ans. Il a à ses côtés, Colette, 102 ans, l’amour de sa vie, son épouse avec laquelle il aura fêté leur quatre-vingt ans de mariage, sans jamais s’être ennuyé ensemble une seule minute avouait-il volontiers. Un coup de foudre immédiat entre deux jeunes étudiants des Beaux -Arts, en 1941, et qui ne s’est jamais démenti.
Des Visites spéciales sont organisées pour les familles ainsi que des ateliers créatifs pour les plus petits, à partir de trois ans. L’entrée est gratuite pour les moins de 18ans.
Le restaurant du musée est le Café Bras.
Michel et Sébastien Bras ont confié l’établissement à Christophe Chaillou, chef cuisinier.
Pratique
Le musée est fermé les 1er janvier, 1er Mai, 1er novembre, et 25 décembre.
www.musee-soulages-rodez.fr
Musée Pierre Soulages : Jardin du Foirail, avenue Victor Hugo, 12000 Rodez
Tel : 05 65 73 82 60